Troubles mictionnels

TROUBLES MICTIONNELS

Une miction normale se définit par l’évacuation volontaire, rapide, sans douleur, sans effort de l’urine, et précédée d’un besoin. Elle nécessite des voies urinaires perméables et une coordination entre la contraction du muscle vésical (également appelé détrusor) et le relâchement du sphincter strié.


Les troubles mictionnels concernent une modification d’une ou de plusieurs des caractéristiques de la miction normale. Ils sont un motif très fréquent de consultation et concernent à des degrés divers 2/3 des hommes et femmes de plus de 40 ans. La prévalence croit de façon linéaire avec l’âge.


La classification internationale des troubles mictionnels comporte des symptômes :

  • Liés au stockage (les plus fréquents) : pollakiurie diurne, nycturie (pollakiurie nocturne), impériosités ou urgenturie, incontinence par impériosités
  • Liés à la vidange vésicale : faiblesse du jet, dysurie d’attente ou de poussée, miction en plusieurs temps
  • Post-mictionnels : sensation de vidange incomplète, gouttes retardataires


L’interrogatoire joue un rôle prépondérant dans l’orientation diagnostique d’un trouble de la miction souvent mal exprimé par le patient. Il conviendra dans un premier temps de caractériser précisément le trouble mictionnel, de rechercher les signes associés mictionnels ou non avant d’évoquer les hypothèses diagnostiques.

Symptômes liés au stockage (irritatifs)

La pollakiurie se définit par l’augmentation du nombre des mictions qui peut être diurne, nocturne (nycturie) ou les deux.

- La pollakiurie diurne isolée oriente essentiellement vers un trouble fonctionnel comportemental soit réflexe dans certaines situations, de précaution en particulier chez les femmes incontinentes d’effort, sensoriel (froid, vue audition ou contact de l’eau, etc..)

- Associée à la nycturie, elle oriente surtout vers une cause organique.

La nycturie correspond à la nécessité de se lever la nuit pour uriner et s’évalue en nombre des levers. C’est le symptôme le plus gênant des troubles mictionnels car il perturbe le cycle du sommeil et les activités diurnes. Il est également le plus fréquent et concerne 25% (2 levers nocturnes au moins) à 50% de la population > 18 ans (1 lever nocturne au moins). Sa prévalence augmente avec l’âge (35% des hommes après 75 ans se lèvent au moins 2 fois la nuit pour uriner) et est identique chez l’homme et la femme.

Les impériosités ou urgenturie : symptôme fonctionnel se traduisant par un besoin mictionnel soudain et non inhibable qui peut s’accompagner de pertes d’urine involontaires. Sa prévalence est de 10% dans la population > 18 ans, également réparti entre hommes et femmes.

Il se différencie de l’hyperactivité vésicale qui est une définition urodynamique.


Conséquences de la pollakiurie

  • En l’absence d’hyperactivité vésicale, le seul retentissement est l’inconfort avec parfois néanmoins des répercussions importantes sur la vie quotidienne notamment en cas d’interruption répétée du sommeil.
  • En présence d’une hyperactivité vésicale, un retentissement sur le haut appareil urinaire est un risque évolutif d’autant plus important que les contractions vésicales sont fréquentes et élevées en pression.
  • Au plan physiopathologiques, 3 situations différentes peuvent être rencontrées:
  • Diminution du volume des mictions (+++) par présence d’urine résiduelle ou hyperactivité du détrusor (contractions involontaires)
  • Surproduction d’urine le jour et la nuit (polyurie)
  • Surproduction d’urine uniquement la nuit.


Interrogatoire :

La pollakiurie s’évalue en délai horaire entre deux mictions le jour (pollakiurie si < 2 heures) ou en nombre de levers nocturnes (nycturie si > 1/nuit). L’établissement par le patient d’un calendrier mictionnel sur plusieurs jours précisant le nombre et l’heure des mictions diurnes et nocturnes ainsi que leur volume sera plus objectif.


Il faudra toujours rechercher d’autres troubles mictionnels associés, préciser les antécédents du patient notamment neurologiques qui peuvent être à l’origine d’une hyperactivité vésicale (Sclérose en plaques, traumatisme médullaire, accident vasculaire cérébral) et s’enquérir de troubles sexuels (érectiles, troubles de l’éjaculation) ou rectaux pouvant orienter vers une étiologie neurologique


L’examen clinique

Il recherchera la présence d’un globe vésical par la palpation abdominale après miction, d’un obstacle prostatique au toucher rectal, d’une masse gynécologique au toucher vaginal. Il sera complété par un testing des releveurs chez la femme ainsi qu’un examen neurologique succinct du périnée à la recherche d’une anesthésie en selle (syndrome de la queue de cheval), d’une hypotonie anale ou de l’abolition du réflexe bulbo-anal (S3), une modification des réflexes ostéo-tendineux achilléen (S1) ou rotulien (L4).


Examens complémentaires pertinents :

De première intention :

  • Examen cytobactériologique des urines recherche de Bacille de Koch si leucocyturie sans germe. L’infection est la première cause de pollakiurie.
  • Radiographie d’Abdomen sans préparation (ASP) de face + échographie abdomino-pelvienne qui feront rechercher une lithiase vésicale ou de l’uretère pelvien juxta-méatique, une tumeur vésicale, un résidu post-mictionnel et/ou un retentissement sur le haut appareil urinaire (dilatation des cavitées).


De deuxième intention :

  • cytologie urinaire qui pourra orienter vers un carcinome vésical in situ.
  • cystomanométrie : partie intégrante de l’exploration urodynamique, elle permet d’objectiver une hyperactivité vésicale en montrant des contractions désinhibées lors du remplissage, des sensations de besoin plus précoces et/ou une capacité vésicale fonctionnelle abaissée.
  • fibroscopie vésicale en dernier recours si les autres explorations n’ont pas permis de retrouver un étiologie.


Principales hypothèses diagnostiques Nycturie isolée :

  • Troubles du sommeil
  • Inversion de diurèse par perturbation de la sécrétion nocturne d’hormone anti-diurétique . C’est le calendrier mictionnel qui en fera la preuve.
  • Obstruction débutante.
  • Nycturie associée à une pollakiurie diurne : oriente alors plus vers une cause locale urologique ou de voisinage.
  • Infectieuse : cystite à germes banaux, présence de BK (si leucocyturie sans germe) - Obstacle à l’évacuation de l’urine (rechercher alors des signes liés à la vidange).
  • Prostatique (hypertrophie bénigne, cancer localement avancé de prostate. uréthral plus rarement
  • Lithiase vésicale
  • Pathologie de la paroi vésicale.
  • Organique : fibrose de la paroi (cystite interstitielle, radiothérapie), carcinome in situ, corps étranger comme un fil chirurgical ou fragment prothétique (ATCD de colposuspension ou de promontofixation).
  • Fonctionnelle.
  • De voisinage.
  • Digestive : sigmoïdite essentiellement, tumeur rectosigmoïdienne .
  • Gynécologique.


Symptômes liés à la vidange vésicale (obstructifs) :

Ils sont la traduction d’une gêne à la miction dont l’enquête étiologique est dominée par la recherche d’un obstacle anatomique ou d’une obstruction fonctionnelle. Ce sont des symptômes cliniques que l’interrogatoire doit s’attacher à bien préciser car peu gênants pour les patients et souvent sous-estimés.

  • Dysurie d’attente : difficulté à initier le jet.
  • Dysurie de poussée : nécessité d’une poussée abdominale et temps mictionnel allongé.
  • Faiblesse du jet voire miction goutte à goutte.
  • Gouttes retardataires et incontinence post-mictionnelle
  • Conséquences de la dysurie.
  • Vésicales par distension ou trabéculation.
  • Infection urinaire, secondaire à la stase ou la présence de lithiases vésicales témoignant de la présence d’un obstacle cervico-prostatique.
  • Retentissement sur le haut appareil urinaire (dilatation urétéro-pyélocalicielle en règle générale bilatérale, reflux vésico-rénal)


Au plan physiopathologique, les symptômes liés à l’obstruction sont secondaires à une augmentation des résistances uréthrales et/ou une anomalie de la contraction vésicale.


L’interrogatoire

Précisera, en plus des autres troubles mictionnels éventuellement associés, les ATCD et les traitements en cours. En effet les médicaments qui vont soit diminuer la contraction vésicale (ex : anticholinergiques ou effet secondaire anticholinergique comme les antidépresseurs tricycliques) ou empêcher la bonne ouverture du col vésical (ex : alpha-stimulants) peuvent avoir une action dysuriante sur la miction voire être responsable d’une rétention aiguë d’urine.


L’examen clinique doit comporter toucher rectal et éventuellement vaginal et palpation abdominale à la recherche d’un globe. Il faudra également rechercher des signes d’accompagnement comme l’apparition d’une hernie inguinale pouvant témoigner de la poussée abdominale nécessaire pour obtenir ou maintenir la miction. L’examen neurologique succint du périnée s’impose toujours.


Examen complémentaires pertinents

  • La débitmétrie est le prolongement de l’examen clinique en consultation d’urologie. C’est une mesure globale et objective qui reflète à la fois l’état de la contraction vésicale et des résistances uréthrales. Il s’exprime par le débit mictionnel maximum (en ml/seconde) qui dépend du volume uriné et de l’âge du patient.
  • Un débit normal est > 15 ml/sec pour un volume uriné 150 ml.
  • Un débit < 10 ml/sec témoigne en règle générale d’une obstruction.
  • D’autres paramètres comme l’aspect de la courbe (en cloche, intermittente, en plateau), le débit moyen et la durée mictionnelle peuvent également affiner l’orientation diagnostique. La principale cause d’erreur est un faible volume mictionnel (pollakiurie associée ou réplétion vésicale insuffisante).
  • La mesure échographique du résidu post-mictionnel est un examen de 1ère intention dans l’exploration d’une dysurie. Elle nécessite comme condition pour pouvoir être interprétée une miction effectuée dans des conditions physiologiques et il faudra se méfier des faux résidus par inhibition psychologique. Cette mesure devra également tenir compte du volume mictionnel (un résidu de 200ml n’a pas la même signification lorsque la miction est de 50 ou 600ml). L’échographie permettra également d’orienter l’enquête étiologique par la mesure du volume prostatique (au mieux par voie endo-rectale) et évaluera également le retentissement sur le haut appareil en recherchant une dilatation des cavités.
  • Les clichés mictionnels de l’urographie intraveineuse se sont plus que très rarement pratiqués.
  • La fibroscopie urétro-vésicale en revanche est intéressante pour confirmer une sténose urétrale, une mauvaise ouverture du col vésical ou visualiser les conséquences vésicales de l’obstruction (signes de lutte vésicaux).
  • La cystomanométrie : elle est une composante de l’exploration urodynamique du bas appareil urinaire. Elle n’est pas un examen de première intention dans l’exploration d’une dysurie mais peut être utile lorsqu’aucun obstacle anatomique n’est mis en évidence pour objectiver une diminution ou une absence de contraction de la vessie par la mesure de la pression vésicale mictionnelle.


Principales hypothèses diagnostiques :


En pratique, on distingue les dysuries par obstacle cervico-uréthral et les dysuries sans obstacle

Dysurie par obstacle :

  • Hypertrophie bénigne et cancer de prostate
  • Sténose uréthrale
  • Prolapsus pelvien
  • Valves de l’urèthre postérieur Dysurie sans obstacle
  • Dyssynergie vésico-sphinctérienne (neurologique central: sclérose en plaques, traumatisme médullaire)
  • Maladie du col
  • Hypo ou acontractilité vésicale (neuropathie périphérique : diabète, éthylisme, dénervation vésicale lors d’une chirurgie pelvienne)
  • Causes médicamenteuses (alpha-stimulants et anticholinergiques notamment)

Symptômes post-mictionnels

Sensation de vidange incomplète :

Symptôme très subjectif rarement confirmé par une évaluation objective échographique d’un résidu post-mictionnel.

Incontinence post-mictionnelle :

En général simples gouttes retardataires après la miction ne traduisant que la vidange d’une expansion uréthrale fonctionnelle. Sans conséquence en dehors de l’inconfort produit.

Autres anomalies de la miction

Douleurs Très variables dans leur présentation

  • Brûlures mictionnelles : rencontrées habituellement dans les infections urinaires .
  • Ténesme vésical : sensation douloureuse hypogastrique.
  • Algies pelviennes : souvent profondes, ano-périnéales, elles peuvent être rattachées au bas appareil urinaire si elles ont un rythme mictionnel (déclenchées ou calmées), exagérées par la position assise et la défécation (origine prostatique) et/ou s’accompagnent d’autres troubles mictionnels. Elles peuvent se voir dans les cystites interstitielles ou les prostatites chroniques. Elles s’accompagnent parfois chez l’homme de douleurs scrotales.


Incontinence

C’est la perte involontaire d’urine soit à l’effort, soit dans un contexte d’impériosités mictionnelles soit nocturne (énurésie).

Leucocyturie et Pyurie

Elle se définit par la présence de leucocytes altérés dans les urines et témoigne de la présence d’une infection urinaire. Cliniquement les urines sont souvent troubles (diagnostic différentiel : phosphaturie reconnue en ajoutant quelques gouttes d’acide acétique qui éclaircissent les urines) et malodorantes.


Pneumaturie/Fécalurie

Se définit par l’émission de gaz (pneumaturie) ou de selles (fécalurie) au cours de la miction. Elles témoignent en règle générale d’une communication avec les voies digestives, le plus souvent sous forme d’une fistule colo-vésicale dont le point de départ peut être bénin (diverticulite sigmoïdienne) ou malin (cancer colique). Parfois, la pneumaturie peut être en rapport avec une infection urinaire à anaérobies. Il faut toujours se méfier des fausses pneumaturies radiologiques chez les patients sondés.


Hématurie

C’est la présence de sang dans les urines à différentier de l’uréthrorragie ou de l’hémospermie.


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